La Cour de cassation vient de se prononcer sur une question épineuse qui, donnant lieu à des décisions divergentes des cours d’appel, était très attendue par tous les spécialistes du droit rural.
Rappelons qu’aux termes de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, toute contravention aux dispositions de l’article L. 411-35 constitue une cause péremptoire de résiliation du bail rural.
En son premier alinéa, cet article interdit toute cession du bail rural, sous quelques exceptions. L’alinéa 3, relatif au sort du bail consenti à différents copreneurs, dispose que « Lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s’y opposer qu’en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande ».
Après avoir jugé, par un arrêt inédit, que « le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information du propriétaire, en cas de cessation d’activité de l’un des copreneurs, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation » de l’article L. 411-35 (3e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 20-14141), la Cour de cassation vient, par un arrêt publié rendu en formation de section, d’effectuer un revirement de jurisprudence.
Elle a en effet jugé que la formalité prévue par l’article L 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime a « pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l’article L 411-35 », de sorte que
« Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu’une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l’article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-31, II, 1° » (3e Civ., 30 novembre 2023, pourvoi n° 21-22.539, à paraître au bulletin).
Cette décision, qui ne s’imposait pas au regard de la lettre des textes applicables, mais qui semble mieux refléter la volonté du législateur, apporte une réponse définitive aux questions des praticiens du droit rural sur les conséquences du défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime.