Autorisations d’urbanisme. Quand faut-il appliquer le régime des travaux sur constructions existantes ? Une jurisprudence subtile.

Fabrice Sebagh

C’est, entre autres, à cette question que le Conseil d’Etat a répondu dans une récente affaire ayant donné lieu à un arrêt mentionné aux Tables du Recueil Lebon (CE 13 novembre 2025, Req. n° 497105).

En l’occurrence, une commune avait accordé un permis de construire le 29 novembre 2016 à la société pour la construction d’un ensemble immobilier de 284 logements, puis les 16 mai 2018 et 11 octobre 2022, deux permis de construire modificatifs pour des modifications de façades et des aménagements intérieurs et extérieurs.

Des voisins du projet, ont demandé l’annulation de l’arrêté du 11 octobre 2022.
La société pétitionnaire s’est pourvue en cassation contre le jugement du Tribunal administratif de Cergy Pontoise qui a fait droit à leur demande, rejetant ainsi la fin de non-recevoir opposée par la société, tirée de ce qu’elle n’avait pas besoin du permis modificatif litigieux, puisque les travaux que ce permis autorisait, relevaient du régime des travaux sur constructions existantes.
Mais le tribunal avait considéré de son côté, que ce régime ne pouvait s’appliquer, la construction étant inachevée à la date de sa délivrance.

Le régime des travaux sur constructions existantes peut-il s’appliquer aux constructions inachevées ?

Le Conseil d’Etat fournit, pour répondre à cette question, une sorte de vade mecum.

Il rappelle d’abord que, par principe, toute construction nécessite un permis de construire (L 421-1 du Code de l’urbanisme).

En revanche, les travaux sur constructions existantes sont dispensés de formalité (R 421-13), sauf, lorsqu’il s’agit de travaux aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire ou des travaux mentionnés à l’article R. 421-17, qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.

L’application du régime des travaux sur constructions existantes, va dépendre du point de savoir si le permis ayant autorisé initialement la construction en cause, est ou non en cours de validité.

Conformément à sa jurisprudence, s’il est en cours de validité et que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, il peut être modifié par la délivrance d’un permis de construire modificatif pour permettre des travaux qui ne doivent pas apporter au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même (Conseil d’Etat, sect. 26-07-2022, n° 437765).

Si en revanche, le permis de construire n’est plus valide ou que la construction qu’il autorise est achevée, les travaux entrepris sur cette construction, ne peuvent plus faire l’objet d’un permis de construire modificatif.

Ils peuvent alors relever du régime des travaux réalisés sur constructions existantes, prévu par les articles L. 421-1 et R*421-13 du code de l’urbanisme, à condition toutefois
– que la construction, qu’elle soit ou non achevée, soit suffisamment avancée,
– qu’elle ait été édifiée conformément à l’autorisation d’urbanisme requise,
– et que les travaux en cause ne soient pas d’une importance telle qu’ils aboutissent à sa reconstruction.

L’achèvement de la construction n’est donc pas la condition sine qua non de l’application du régime des travaux sur constructions existantes, puisqu’il peut être applicable comme dans le cas de l’espèce à une construction inachevée.

Le second moyen soulevé par la requérante appelait le Conseil d’Etat à se prononcer sur les conditions d’application de l’article R 424-17 du Code de l’urbanisme qui fixe les règles de la péremption du permis de construire.

Deux cas de péremption sont visés par l’article :
– Soit les travaux autorisés ne sont pas entrepris dans le délai de 3 ans à compter de la notification du permis ;
– Soit, passé ce délai de trois ans, les travaux sont interrompus pendant plus d’un an.

Le tribunal, se plaçant dans la seconde hypothèse visée par l’article, avait considéré qu’en raison de la faible ampleur des travaux entrepris après le 17 juin 2021, ceux-ci devaient être considérés comme interrompus à cette date, de sorte que le permis modificatif du 11 octobre 2022, soit 1 an et 4 mois plus tard, ne pouvait plus être délivré, en raison de la péremption de 3 ans.

Le Conseil d’Etat rejette cette interprétation du texte, et affirme, suivant en cela les conclusions de son rapporteur public, Clément Malverti, que le juge doit rechercher uniquement si les travaux entrepris avaient pour seul objet de faire obstacle à la caducité du permis de construire, et ce quelle que soit leur importance.

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