La décision du Conseil d’État du 21 mai 2025 (Req. n°492729), ici commentée, permet d’aborder une question de procédure en matière de droit disciplinaire des professions de santé dans le cadre spécifique de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique.
Cet article, dérogatoire au droit commun, prévoit que « les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit. »
En l’espèce, M. B., examiné par un psychiatre pendant une garde à vue, avait saisi le conseil départemental de l’ordre des médecins des Pyrénées-Orientales d’une demande tendant à ce que le praticien qui l’avait examiné soit traduit devant la chambre disciplinaire de 1ère instance, qui fut rejetée par le président de ce conseil le 14 juin 2021. Ses recours dirigés contre ce refus ont été également rejetés tant par le tribunal administratif que par la cour administrative d’appel.
Pour rejeter sa demande d’annulation, la cour a considéré que l’exposant, auteur de la plainte contre le docteur S, n’était pas l’une des autorités mentionnées à l’article L. 4124-2 du code de la santé publique :
« M. B, auteur de la plainte contre ce médecin, n’était pas au nombre des personnes pouvant engager contre lui une action disciplinaire au titre de ses fonctions publiques. Il suit de là que le conseil départemental de l’ordre des médecins des Pyrénées- Orientales était, en tout état de cause, tenu de rejeter la plainte du demandeur à l’encontre de ce médecin. Par suite, les moyens invoqués par le demandeur à l’encontre de la décision du 14 juin 2021 du président du conseil départemental de l’ordre des médecins des Pyrénées-Orientales étaient inopérants ».
L’enjeu était donc de savoir si cette décision de refus d’engager des poursuites disciplinaires pouvait faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, bien que l’auteur du recours ne fasse pas partie des autorités visées à l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, pouvant traduire un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance.
Il résulte en effet de ces dispositions que le ministre chargé de la santé, le représentant de l’État dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le Conseil national ou le Conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit, sont seuls habilités à pouvoir engager une procédure disciplinaire contre un médecin.
A cette question, le Conseil d’Etat, répond :
« Il résulte de ces dispositions (L 4124-2 du Code de la santé publique) que si les personnes et autorités mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d’un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d’actes commis dans l’exercice de cette fonction publique, les décisions par lesquelles un conseil départemental de l’ordre des médecins qui exerce, en la matière, une compétence propre, ou de toute autre autorité mentionnée par cet article, décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative ».
Cette solution s’appuie sur une jurisprudence antérieure (CE, 1er juin 2018, n°409626 et 411244) selon laquelle le refus de transmission d’une plainte par le président du conseil national de l’ordre constitue une décision administrative susceptible de recours. De façon cohérente, le Conseil d’État juge ici que le refus du conseil départemental d’introduire une plainte disciplinaire relève du même régime juridique.
En l’espèce, le requérant n’avait pas saisi directement l’autorité disciplinaire mais avait demandé au conseil départemental de l’ordre des médecins de le faire, en vertu des pouvoirs qu’il tire du code de la santé publique. C’est bien la décision du 14 juin 2021 du président du conseil départemental de l’ordre des médecins des Pyrénées-Orientales refusant de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance, dont il avait demandé l’annulation. Partant, la cour aurait dû examiner les moyens d’annulation de cette décision qui n’étaient pas inopérants, quand bien même le plaignant n’avait pas le pouvoir d’engager lui-même l’action disciplinaire.