A quelles conditions, une personne vaccinée peut-elle obtenir réparation des préjudices susceptibles d’avoir été causés par une vaccination obligatoire ?

Catherine Bauer-Violas

Confronté régulièrement à cette question depuis la campagne de vaccination contre l’hépatite B, le Conseil d’Etat est venu rappeler, dans un récent arrêt (CE 7 novembre 2024, Req. n°466288) mentionné aux Tables du Recueil, les conditions dans lesquelles la responsabilité de la puissance publique peut être engagée et les modalités de son contrôle quant à l’existence d’un lien de causalité entre l’administration d’un vaccin obligatoire et l’affection présentée par une personne vaccinée.

Dans cette affaire, une jeune femme avait justement sollicité le Tribunal administratif pour qu’il condamne l’office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l’indemniser des préjudices qu’elle estimait dûs à sa vaccination contre l’hépatite B.

Si le Tribunal lui a donné raison, la Cour administrative d’appel en revanche a annulé le jugement et rejeté ses conclusions indemnitaires, au motif « qu’en l’état des connaissances scientifiques (…), aucune probabilité d’un lien de causalité entre l’injection du vaccin contre le virus de l’hépatite B et la survenue d’une sclérose en plaques ne peut être retenue ».

Dans un considérant de principe, le Conseil d’Etat rappelle d’abord que les juges du fond ne doivent pas rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l’affection est ou non établi ; ils doivent s’assurer que l’absence de ce lien de causalité est certaine ou selon les termes utilisés par le Conseil d’Etat : «au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu’il n’y a aucune probabilité que le lien existe ».

Dès lors, deux cas sont envisageables :

  • Soit le juge rejette la demande, en l’absence d’une telle probabilité.
  • Soit, si cette dernière existe, il examine les circonstances de l’espèce pour retenir l’existe d’un lien de causalité si les symptômes sont apparus postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d’affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n’étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu’il ne ressort pas du dossier qu’ils peuvent être regardés comme résultant d’une autre cause que la vaccination.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que :

« Il résulte de l’ensemble des éléments relevés par l’arrêt attaqué et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si aucun lien de causalité n’a pu être établi à ce jour entre l’administration du vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, l’hypothèse qu’un tel lien existe a été envisagée par des travaux de recherche scientifiques ayant donné lieu à des publications dans des revues reconnues, du fait des séries d’associations temporelles mentionnées, qui ont justifié une vigilance particulière des autorités sanitaires, et n’a pas été formellement démentie par les nombreuses études portant sur ce sujet, notamment pas les observations d’ordre général de l’Académie nationale de médecine, qui se bornent à faire la synthèse de publications déjà connues, sans s’appuyer sur des travaux de recherche ou une méthodologie d’analyse nouveaux et qui ne concluent, au demeurant, qu’à l’absence de démonstration de l’existence d’un lien entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques. »

Il en conclut par conséquent que les juges du fond ont inexactement qualifié les faits de la cause en estimant qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un lien existe entre l’administration du vaccin de l’hépatite B et l’apparition d’une sclérose en plaques.

Dans une autre affaire du même jour, le Conseil d’Etat a fait la même analyse s’agissant de l’administration de vaccin contenant des adjuvants à base de sels d’aluminium et des symptômes caractéristiques de la myofasciite à macrophages (CE 7 novembre 2024, Req, n°472707).

En revanche, il a rejeté la demande d’une infirmière s’agissant de la même affection, du fait du délai d’apparition des symptômes (CE 7 novembre 2024, Req. n°472625).

On en peut que saluer cette jurisprudence soucieuse de s’adapter aux difficultés rencontrées par les victimes pour faire la preuve du lien de causalité entre leur affection et la vaccination intervenue.

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