Contestation d’honoraires devant le Bâtonnier : la procédure spécifique échappe aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile

Olivia Feschotte-Desbois

Dans un récent arrêt, la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer que le formalisme imposé par le code de procédure civile n’était pas applicable aux contestations qui sont portées devant le Bâtonnier de l’Ordre des avocats (2e Civ.. 10 octobre 2024, n°23-12.211, B).

En l’occurrence, à la suite d’un licenciement, M. X avait confié la défense de ses intérêts à une avocate, Maître B.

Insatisfait de ses services, il lui a fait savoir qu’il la dessaisissait.

Par un courrier recommandé avec demande d’avis de réception, M. X a par ailleurs saisi le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris d’une contestation des honoraires de Maître B. aux fins de remboursement d’une somme versée.

La déléguée du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris a décidé que le Cabinet de Maître B. devait lui restituer une certaine somme à titre d’honoraires trop perçus.

Le requérant a saisi le Président de la Cour d’appel de Paris d’un recours contre cette décision.

La cour d’appel a infirmé la décision du Bâtonnier, annulé l’acte par lequel il avait été saisi, ainsi que le recours exercé devant le Président de la cour d’appel en se fondant sur la méconnaissance de l’article 58 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, faute d’indication sur l’acte de saisine et dans le recours, de la dénomination de la personne morale avec qui M. X avait contracté.

C’est cette décision dont a été saisie la Cour de cassation.

La question était donc de savoir si le formalisme imposé par l’article 58 du code de procédure civile aux recours formés devant les juridictions en matière civile, devait également s’appliquer aux contestations formées devant le Bâtonnier. En d’autres termes, l’article 58 du code de procédure civile qui impose d’indiquer les « nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social » devait-il s’appliquer, alors même que l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, instaure une procédure spécifique pour les contestations d’honoraires ?

Pour mémoire l’article 175 dispose en effet :

« Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois ».

Toutefois, l’article 277 du même décret précise :

 « Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret ».

Dès lors, la procédure de contestation d’honoraires doit-elle être regardée comme réglée par les articles 174 et suivants du décret de 1991 ou bien les dispositions du code de procédure intégrées dans le livre 1er intitulé « Dispositions communes à toutes les juridictions » doivent-elles s’appliquer ?

La Cour de cassation est intervenue à diverses reprises sur cette question.

Dans un avis en date de 1998, elle s’était positionnée clairement sur le statut du bâtonnier en droit interne :

«Les règles de compétence territoriale dans la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 sont-elles déterminées par les dispositions des articles 42, 43 et 46 du nouveau Code de procédure civile ? « 

Aux termes de l’article L. 151-1 du Code de l’organisation judiciaire, seules les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent saisir la Cour de Cassation d’une demande d’avis ;

Le bâtonnier statuant en matière de contestation d’honoraires n’est pas une juridiction au sens de ce texte » (16 novembre 1998, pourvoi n° 09-80.010, Bull. 1998, Avis, n° 12).

En 2018, elle avait écarté l’application de l’article 58 du code de procédure civile, mais il s’agissait d’une autre disposition de ce texte que celle concernée dans l’affaire ici en cause (2e  Civ., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-18.458, 17-18.504, Bull. 2018, II, n° 106) :

«Mais attendu que la réclamation soumise au bâtonnier en matière d’honoraires, prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui instaure une procédure spécifique, échappant aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile, c’est à bon droit que le premier président a rejeté la demande de nullité présentée par Mme R. sur ce fondement ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; ».

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt mentionné aux Tables, a pris position tout aussi clairement en refusant au bâtonnier la qualité de juridiction :

« lorsqu’il intervient dans le règlement des contestations en matière d’honoraires et de débours, le bâtonnier, dont la décision n’acquiert de caractère exécutoire que sur décision du président du tribunal de grande instance, n’est lui-même ni une autorité juridictionnelle ni un tribunal au sens de l’article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (CE, 2 oct. 2006, no 282028).

C’est en l’état de cette jurisprudence que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en se fondant sur les motifs suivants :

« 10. En statuant ainsi, alors, d’une part, que la procédure spécifique de contestation des honoraires échappe aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile, d’autre part, qu’elle constatait que l’avocat avait comparu, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Il se confirme donc que le formalisme imposé aux recours formés devant les juridictions n’est pas imposé dans le cas de la procédure de contestation d’honoraires.

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