Débat contradictoire sur la prolongation de la détention provisoire : le refus de renfort opposé par la gendarmerie pour extraire le détenu, n’est pas une circonstance imprévisible et insurmontable justifiant qu’il ne comparaisse pas physiquement

Catherine Bauer-Violas

M. G, mis en examen des chefs de transport, détention, offre ou cession, et acquisition non autorisés de produits stupéfiants, a été placé en détention provisoire.

Par une ordonnance du 16 mai 2024, le magistrat instructeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de sa détention provisoire.

M. G. et son conseil ont été convoqués pour un débat contradictoire devant se tenir le 11 juin 2024. Le jour de l’audience, le débat a été renvoyé d’office par le juge des libertés et de la détention, au 14 juin 2024, pour nécessité de service à raison de l’empêchement du magistrat.

Le conseil de M. G. était présent à l’audience de renvoi le 14 juin mais M. G. n’a pas pu être extrait au motif « du refus de renfort FSI pour des détenus particulièrement dangereux et qui nécessitent absolument un renfort pour assurer la sécurité des agents en péril », et il a refusé d’être entendu par visio-conférence.

Par une ordonnance du 14 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice a ordonné la prolongation de la détention provisoire de
M. Gueddari pour une durée de quatre mois, ainsi que son maintien sous mandat de dépôt.

Sur le recours de M. G, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté le moyen de nullité et a confirmé l’ordonnance déférée.

Saisie d’un pourvoi contre cette décision, la Cour de cassation a rendu le 8 octobre 2024 (n°24-84.340), un arrêt rédigé de manière très pédagogique, précisant les conditions dans lesquelles une audience au cours de laquelle il est statué sur la prolongation de sa détention provisoire, peut se tenir hors la présence physique du détenu concerné, par le biais d’un moyen de télécommunication audiovisuelle.

L’article 706-71 du CPP dispose en effet :

« Aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. (…)

Lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu’elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion ».

Il se déduit par ailleurs de l’article 593 du Code de procédure pénale, que le juge qui décide de recourir à cette procédure doit indiquer dans sa décision, les motifs le justifiant.

En l’espèce, la chambre de l’instruction s’est fondée, pour rejeter la demande de nullité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, sur le fait que le refus de renfort opposé par la gendarmerie pour extraire M. G constituait une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service public de la justice.

Pour casser cette décision, la Cour de cassation a retenu que l’exécution des réquisitions d’extraction est une mission qui relève du service public de la justice et que le défaut d’extraction par les services de l’administration pénitentiaire justifié par l’absence de renfort des forces de sécurité intérieure ne saurait, à lui seul et indépendamment de toute autre circonstance, constituer une circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice.

Elle a ensuite jugé que la chambre de l’instruction aurait dû, après avoir constaté que M. G. refusait le recours à la visioconférence, pour pouvoir écarter la nullité du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, rechercher si son extraction paraissait devoir être évitée en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.

Il se déduit de cette décision que le recours à la technologie pour la tenue des audiences, doit rester l’exception et que ce n’est qu’en cas de force majeure que son utilisation se justifie.

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