Infractions au code de l’environnement : précisions sur les travaux en milieu aquatique

Catherine Bauer-Violas

Par deux arrêts du 1er avril 2025 (24-81.176  et 24-81.178), la chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à connaître de la situation d’un prévenu poursuivi devant le tribunal correctionnel pour des infractions au code de l’environnement.

Un inspecteur de l’environnement avait constaté que des tuyaux avaient remplacé le lit d’un écoulement d’eau traversant des parcelles appartenant à M. D.

Pour n’avoir pas déclaré ce busage, M. D. avait été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l’eau et au milieu aquatique.

Au terme d’une première procédure (24-81.178), la Cour d’appel avait déclaré le prévenu coupable de ce délit sur le fondement de L. 173-1 I du code de l’environnement et l’avait condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende et à la remise en état des lieux sous astreinte avec exécution provisoire.

Sur appel du prévenu, la Cour avait confirmé sa culpabilité estimant que les travaux accomplis avaient été réalisés dans un cours d’eau et qu’à ce titre, ils auraient dû faire l’objet d’une demande d’autorisation.

La Cour d’appel de Metz avait retenu la qualification de cours d’eau en se fondant sur divers indices :

–          La matérialisation de l’écoulement d’eau sur une carte IGN,

–          la présence d’une ripisylve (végétation qui se forme aux abords des cours d’eau)

–          et le référentiel hydrogéologique français qui montre un lit naturel à l’origine avec, dans le lit mineur du cours d’eau en cause, une couche d’alluvions quaternaires.

Les juges en avaient déduit, nonobstant l’absence de source déterminée de ce cours d’eau, explicable par la période de sécheresse sévère, que les travaux avaient bien été réalisés dans un cours d’eau.

La chambre criminelle casse cet arrêt, estimant que la Cour d’appel n’a pas suffisamment justifié la réunion des critères requis par l’article L. 215-7-1 du Code de l’environnement.

Pour mémoire, l’article L 215-7-1 du Code de l’environnement dispose :

Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année.

L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales.

Ainsi, la définition d’un cours d’eau repose sur la présence de trois éléments cumulatifs :

o    un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine ;

o    une alimentation par une source ;

o    un débit suffisant la majeure partie de l’année.

La Cour relève que la Cour d’appel aurait dû « mieux justifier en quoi le faisceau d’indices pris en compte démontrait l’existence de deux des critères susmentionnés nécessaires à la caractérisation d’un cours d’eau, soit l’existence d’un débit suffisant la majeure partie de l’année alimenté par une source ».

Ainsi, en cassant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation ne remet pas en cause la nécessité de protéger les milieux aquatiques, mais elle insiste sur l’exigence de qualification juridique précise.

Dans le cadre d’une seconde procédure (n° 24-81.176), le prévenu, poursuivi également pour avoir réalisé des travaux de drainage sur les mêmes parcelles, reprochait à la cour d’appel de Metz de l’avoir condamné à 5 mois d’emprisonnement avec sursis, en fondant sa décision non pas sur les seuils établis par l’article R. 214-1 du Code de l’environnement, applicable aux travaux de drainage, mais sur les règles spécifiques aux sites Natura 2000 issues des articles
L. 414-1 et suivants et de l’article R. 414-27.

La Cour de cassation censure cette analyse. Elle rappelle que :

  • Les travaux de drainage sont soumis à autorisation seulement lorsqu’ils concernent une superficie d’au moins 100 ha et à déclaration lorsqu’ils dépassent 20 ha mais restent inférieurs à 100 ha (R. 214-1 C. env.).
  • Dans ce cas précis, la surface drainée était de seulement 5,80 ha, bien en-deçà des seuils prévus.
  • L’article R. 414-27 du Code de l’environnement, qui impose une autorisation pour les travaux affectant les sites Natura 2000, relève d’un régime distinct et ne peut être appliqué pour fonder une condamnation sous l’article L. 173-1.

La cassation est prononcée sans renvoi, ce qui signifie que la Cour de cassation applique directement la règle de droit et met fin au litige, conformément à l’article L. 411-3 du Code de l’organisation judiciaire. Dès lors, elle prend soin de préciser que le jugement de première instance est privé de toute force exécutoire, et le prévenu est ainsi définitivement relaxé.

Cet arrêt rappelle le principe fondamental de l’interprétation stricte des textes répressifs en matière environnementale. Il souligne également la nécessité pour les juges du fond de bien distinguer les régimes applicables afin d’éviter toute confusion entre la réglementation générale sur les travaux en milieu aquatique et les règles spécifiques aux sites Natura 2000.

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