L’articulation du PLU et du SCoT dans l’application de la loi Littoral

Fabrice Sebagh
Patrick Chauvin

Par son arrêt du 28 septembre dernier (Commune du Lavandou, Association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou, ns° 423087 et 423156), le Conseil d’Etat a jugé que la compatibilité d’un PLU avec la loi Littoral s’appréciait en tenant compte du schéma de cohérence territoriale (SCoT).

Le Conseil d’Etat était saisi d’un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui avait annulé la délibération par laquelle la commune littorale du Lavandou avait approuvé son PLU. Dans son arrêt, la cour avait refusé d’apprécier la légalité du PLU au regard du SCoT Provence Méditerranée au motif qu’il n’était pas précis sur le principe de l’extension de l’urbanisation existante de sorte qu’elle avait apprécié la légalité du PLU directement au regard des dispositions de la loi Littoral.

Le Conseil d’Etat a profité de ce contentieux pour préciser l’articulation du PLU et du SCoT dans la mise en œuvre de la loi Littoral.

Tout d’abord, alors que ce n’était peut-être pas nécessaire pour la solution du litige qui n’intéressait pas un permis de construire, le Conseil d’Etat a jugé opportun de rappeler qu’« il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral ».

Cette solution n’est guère novatrice puisqu’elle n’est que le rappel de la solution réaffirmée alors à l’époque, avec force, par l’arrêt de Section du Conseil d’Etat du 31 mars 2017, Société Savoie Lac Investissements (n° 392186).
Et, dans ce contentieux, le Conseil d’Etat, afin de maintenir la règle de l’opposabilité directe de la loi Littoral aux permis de construire, avait précisé que la circonstance que le permis de construire serait conforme au PLU ne remettait pas en cause que sa légalité devait être appréciée directement au regard de la loi Littoral :

« Eu égard, d’une part, au seul rapport de compatibilité prévu par l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme entre les documents d’urbanisme qu’il mentionne et entre ces documents et les règles spécifiques à l’aménagement et à la protection du littoral et, d’autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu’une telle décision respecte les prescriptions du plan local d’urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 146-1 et suivants de ce code ».

En d’autres termes, peu importe si le permis de construire est bien conforme à la réglementation d’urbanisme locale, il peut être contraire à la loi Littoral. Ainsi, le permis de construire en zone littorale doit, pour être légal, être conforme tant à la loi Littoral qu’à la réglementation d’urbanisme locale.

Ensuite, le Conseil d’Etat vient plus précisément sur la question du SCoT.
Il juge qu’il résulte des articles L. 131-4 et L. 131-7 du code de l’urbanisme, que, s’agissant d’un plan local d’urbanisme, il appartient à ses auteurs de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral.

Dans son arrêt du 11 mars dernier, le Conseil d’Etat avait cependant déjà posé une exception à cette règle :
Cependant, lorsqu’un schéma de cohérence territoriale ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l’extension de l’urbanisation dans l’espace proche du rivage dans lequel l’opération est envisagée, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte de cette opération s’apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné. » (CE, 11 mars 2020, Confédération Environnement Méditerranée, n° 419861),

Le Conseil d’Etat retenait ainsi que le caractère limité de l’extension d’une urbanisation dans une commune littorale devait s’apprécier en tenant compte des dispositions du SCoT si ses dispositions étaient suffisamment précises et compatibles avec les règles particulières du littoral.

A la lecture de cet arrêt, on aurait pu penser qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du SCoT pour apprécier la légalité d’un PLU dès lors que les dispositions de ce SCoT n’étaient pas précises. Dans un tel cas, le SCoT aurait ainsi perdu son rôle d’écran entre la loi Littoral et le PLU puisque la légalité de ce dernier aurait alors dû être appréciée directement au regard de la loi Littoral.
Mais ce n’est pas cette solution qui a été retenue dans l’arrêt ici commenté.

En effet, le Conseil d’Etat pose la règle aux termes de laquelle la compatibilité d’un PLU par rapport au SCoT s’apprécie « en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l’application des dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu’elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières ».

Aussi, l’insuffisance de précision du SCoT, s’agissant de ses dispositions intéressant le littoral, ne saurait justifier qu’il ne soit pas appliqué pour apprécier la légalité d’un PLU. Quand bien même ce SCoT n’est pas précis, il doit être appliqué tel quel.
Le Conseil d’Etat, par cet arrêt, confirme donc que dès lors qu’il existe un SCoT comprenant des dispositions sur le littoral, la légalité d’un PLU, s’agissant de la mise en œuvre de la loi Littoral, doit obligatoirement s’apprécier par rapport au SCoT.

Cette précision par le Conseil d’Etat, dans l’arrêt ici commenté, sur la place du SCoT dans l’application de la loi Littoral est d’autant plus opportune que l’on sait que la loi ELAN du 23 novembre 2018 (articles L. 121-3 et L. 121-8 du code de l’urbanisme) a accru le rôle de ce document en prévoyant que désormais il détermine, dans les communes littorales, les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et en définit la localisation.

Droit public
Article suivant
Le Baiser de Brancusi : ceci n’est pas un meuble