Il arrive que la chambre de l’instruction annule à tort une ordonnance de prolongation de la détention prononcée par le juge de la liberté et de la détention, contestée devant elle, en raison de l’insuffisance de sa motivation.
Or, la chambre criminelle se fonde sur l’effet dévolutif de l’appel pour censurer une telle décision, dès lors qu’il appartient à la chambre de l’instruction d’examiner le bien-fondé de la détention provisoire et de statuer sur la nécessité de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants voire erronés du premier juge, des motifs répondant aux exigences légales (Crim. 19 janvier 2010, n°09-87.206, Bull. crim. n° 8 ; Crim. 15 octobre 2014, n°14-84.967 ; Crim. 15 décembre 2021, n°21-85.816 ; Crim. 21 juin 2023, n°23-82.145).
En revanche, la chambre de l’instruction doit annuler l’ordonnance de prolongation rendue en l’absence de convocation régulière de l’avocat du mis en examen au débat contradictoire (Crim. 5 septembre 2001, n° 01-84.379).
Et, lorsqu’elle annule ainsi l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire, la chambre de l’instruction doit prononcer d’office la mise en liberté de la personne mise en examen détenue par application de l’article 201 alinéa 2 du code de procédure pénale. Elle ne saurait elle-même statuer sur la détention provisoire, ni en prétendant être saisie par l’effet dévolutif de l’appel, ce qui n’a pas de sens puisque l’ordonnance dont appel a été annulée par elle, ni en évoquant. De jurisprudence constante en effet, la chambre de l’instruction ne peut évoquer en matière de détention provisoire (Crim. 29 septembre 2020, n° 20-82.774 ; Crim. 13 octobre 2020, n° 20-84.103). Aucune disposition légale ne l’autorise à évoquer en substituant sa propre décision à celle qu’elle venait d’annuler (Crim. 9 novembre 2021, n° 21-85.027).
La Cour de cassation censure ainsi régulièrement les arrêts de chambre de l’instruction qui, après avoir annulé l’ordonnance de prolongation de la détention, évoquent et ordonnent la prolongation de la détention de l’intéressé au visa de l’article 201 alinéa 2 du code de procédure pénale et du principe selon lequel « lorsqu’elle constate que la personne mise en examen est détenue en vertu d’un titre nul, la chambre de l’instruction doit prononcer d’office sa mise en liberté » (Crim. 9 mai 2001, n° 01-81.598, Bull. crim. n° 111 ; Crim. 5 septembre 2001, n° 01-84.379, Bull. crim. n° 173 ; Crim. 2 février 2011, n° 10-87.723 ; Crim. 29 septembre 2020, n° 20-82.774 ; Crim. 9 novembre 2021, n° 21-85.027).
C’est précisément ce qui a justifié en l’espèce, la cassation de l’arrêt de la chambre de l’instruction qui avait ordonné la prolongation de la détention provisoire après avoir annulé l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire du juge des libertés et de la détention (Crim, Req. 23-85.947).
La cassation est intervenue sans renvoi. Puis, constatant que le mis en examen est détenu sans titre depuis le 17 octobre 2023, elle a ordonné sa mise en liberté, sauf s’il est détenu pour autre cause.
Cependant, se fondant sur les dispositions de l’article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale, qui permettent à la chambre criminelle le placement sous contrôle judiciaire de la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu’elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d’information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du même code, elle a procédé à l’examen de ces éléments (déjà Crim. 6 juin 2023, no 23-81.726).
Elle a relevé qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que le mis en examen ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi de sorte qu’une mesure de contrôle judiciaire est indispensable pour assurer les objectifs, énumérés à l’article 144 du code de procédure pénale qu’elle a analysés concrètement comme doivent le faire les juges du fond.
Il s’agit à cet égard pour la chambre criminelle, d’empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que les investigations doivent se poursuivre afin de préciser le rôle du mis en cause dans le cadre d’un trafic organisé portant sur d’importantes quantités de stupéfiants, d’autres coauteurs et complices devant être recherchés et appréhendés. Il faut également garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que celle-ci encourt une peine importante et qu’elle a tenté de prendre la fuite au moment de son interpellation, mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement, en ce qu’elle a déjà été condamnée pour des faits similaires, le risque de réitération étant en outre caractérisé par l’importance des profits réalisés dans le cadre de ce trafic d’envergure et ce, alors qu’elle n’a pas d’activité professionnelle déclarée.
La chambre criminelle a donc ordonné son placement sous contrôle judiciaire qu’elle a soumis à diverses obligations fixées dans sa décision et a ensuite désigné le magistrat chargé de l’information aux fins d’assurer le contrôle de cette mesure de sûreté, tout en rappelant que toute violation de l’une quelconque des obligations exposerait la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire.
A la fois, juge de cassation chargé de l’examen de légalité d’un titre de détention et juge du fond devant examiner les conditions dans lesquelles un placement sous contrôle judiciaire peut intervenir et les obligations qui s’y attachent, l’office de la chambre criminelle est large et nécessite qu’elle dispose d’éléments concrets pour lui permettre de se prononcer sur la nécessité de mettre en place cette mesure et les conditions de sa mise en œuvre.