Pouvoirs du président de la chambre de l’instruction statuant sur une requête en annulation d’actes de la procédure et excès de pouvoir

Catherine Bauer-Violas

I – On sait qu’une partie peut saisir la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’actes selon la forme prévue au troisième alinéa de l’article 173 du code de procédure pénale, à savoir par requête motivée, dont elle adresse copie au juge d’instruction qui transmet le dossier de la procédure au président de la chambre de l’instruction. La requête doit, à peine d’irrecevabilité, faire l’objet d’une déclaration au greffe de la chambre de l’instruction.

La personne mise en examen, elle, a la possibilité, dans les six mois suivant son interrogatoire de première comparution, de présenter une requête en nullité conformément aux dispositions de l’article 173-1 du code de procédure pénale, pour y faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de la nullité de cet interrogatoire lui-même.

Elle peut aussi déposer une requête en nullité d’actes de procédure, conformément à l’article 175 du code de procédure pénale, dans le délai d’un ou trois mois, (selon qu’une des parties est détenue ou non) suivant l’avis de fin d’information.

Il résulte de ce texte que les parties qui souhaitent, à compter de l’envoi de l’avis de fin d’information, formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156, alinéa 1er, et 173 alinéa 3 doivent, dans un délai de quinze jours à compter de chaque interrogatoire ou audition ou de l’envoi de l’avis de fin d’information, faire connaître leur intention en ce sens (Crim., 10 octobre 2023, n°23-83.511).

Ainsi sur la base de l’article 175 du code de procédure pénale, la Cour de cassation a jugé qu’encourait la censure l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant déclaré, après l’envoi de l’avis de fin d’information, la personne mise en examen irrecevable en sa requête en nullité pour défaut de déclaration d’intention, en omettant de prendre en compte la déclaration d’intention pourtant régulièrement exercée dans les quinze jours de son interrogatoire de première comparution par celle-ci, tout comme la déclaration d’intention pourtant régulièrement effectuée par une autre des parties à la procédure (Crim., 10 octobre 2023, n° 23-83.511).

II – Par ailleurs, les requêtes en nullité d’actes de la procédure présentées par les parties sur la base de l’article 173 du code de procédure pénale sont soumises au contrôle du président de la chambre de l’instruction, lequel prévoit en son dernier alinéa, que saisi par une partie ou son avocat, il peut, dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe, constater, par ordonnance non susceptible de recours, l’irrecevabilité de la requête lorsqu’elle ne satisfait pas à l’une des conditions limitativement prévues par l’article 173, alinéas 3 ou 4, l’article 173-1, l’article 174, alinéa 1er, l’article 175 ou lorsqu’elle n’est pas motivée.

Il s’agit des hypothèses de requêtes qui ne respectent pas les formes prescrites, des requêtes contre un acte susceptible d’appel, des requêtes non motivées, des requêtes présentées après expiration du délai de l’article 175 et des requêtes formulées au-delà du délai de six mois de l’article 173-1.

Mais, l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction qui prononce l’irrecevabilité de la requête, en dehors des cas ainsi limitativement prévus, est entachée d’excès de pouvoir (Crim., 26 novembre 1993, no 93-84.406 ; Crim., 11 décembre 2001, no 01-86.929) si bien que le pourvoi contre une telle ordonnance est recevable (Crim., 4 janvier 2005, n° 04-86.215 ; Crim., 4 avril 2007, n° 07-80.929 ; Crim., 8 janvier 2013, n° 12-84.953 ; Crim., 1er octobre 2013, n° 13-81.813 ; Crim., 5 septembre 2023, n° 23-80.370).

Dans cette hypothèse, la Cour de cassation, lorsqu’elle juge que l’excès de pouvoir est avéré, prononce l’annulation de l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction, constate qu’en raison de l’annulation ainsi prononcée la chambre de l’instruction se trouve saisie de la requête en nullité déposée par le demandeur et ordonne le retour de la procédure à cette juridiction (Crim., 9 février 2021, pourvoi n° 20-84.703 ; Crim., 21 avril 2020, pourvoi n° 19-86.231 ; Crim., 10 octobre 2017, pourvoi n° 17-81.746 ; Crim., 18 juin 2014, pourvoi n° 14-81.422 ; Crim., 26 févier 2013, pourvoi n° 12-88.209).

III – En l’espèce, dans une information suivie des chefs d’assassinat, modification de l’état des lieux d’un crime avant enquête judiciaire, atteinte à l’intégrité d’un cadavre, dès le 2 mars 2023, soit dans le délai de 15 jours suivant son interrogatoire de première comparution, le conseil du mis en examen avait déposé une déclaration d’intention dans laquelle, conformément à l’article 175 du code de procédure pénale, il avait indiqué qu’il souhaitait exercer un ou plusieurs des droits prévus par ce texte, à compter de l’avis de fin d’information.

Puis, le 7 février 2025, il avait présenté une requête en nullité, enregistrée le même jour au greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers, soit dans le mois suivant l’envoi de l’avis de fin d’information en date du 9 janvier 2025.

Cette requête en nullité tendait, d’une part, à l’annulation de la garde à vue, de l’interrogatoire de première comparution et de l’ensemble des actes subséquents au motif que l’ordonnance précitée de désignation du juge comme magistrat spécialement désigné pour les affaires concernant les mineurs ne permettait pas de s’assurer de la compétence de celui-ci au jour de l’ouverture d’information.

D’autre part, elle soulevait la nullité de l’avis de fin d’information délivré par un autre juge d’instruction substituant le premier.

La requête se prévalait de l’article L. 12-1 du code de la justice pénale des mineurs au terme duquel les infractions commises par un mineur sont instruites et jugées par des juridictions spécialement désignées ou composées, telle que le juge d’instruction chargé spécialement des affaires concernant les mineurs.

Elle soutenait encore que l’article R. 213-13 du code de l’organisation judicaire prévoit que dans chaque tribunal judiciaire comportant un tribunal pour enfant, un ou plusieurs juges d’instruction désignés par le premier président sont chargés spécialement des affaires concernant des mineurs.

Mais, par ordonnance du 10 février 2025, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers avait constaté que la requête se heurtait à une cause d’irrecevabilité prévue à l’article 173-1 du code de procédure pénale et dit n’y avoir lieu de saisir la chambre de l’instruction de cette requête.

Un pourvoi avait donc été formé par le mis en examen contre l’ordonnance, dont l’examen immédiat avait été prescrit par le président de la chambre criminelle.

Premièrement, le moyen reprochait au président de la chambre de l’instruction d’avoir entaché sa décision d’un excès de pouvoir en déclarant irrecevable la requête en annulation d’acte de procédure comme ayant excédé le délai de 6 mois prévu à l’article 173-1 du code de procédure pénale, cependant que dans sa requête en annulation en date du 7 février 2025, déposée dans le respect des dispositions et du délai de l’article 175 du code de procédure pénale, le conseil du mis en examen soutenait qu’il n’avait pu que le 29 janvier 2025 avoir accès à l’ordonnance du 11 septembre 2019 désignant M. J comme juge d’instruction spécialement chargé des affaires des mineurs et constaté qu’aucun élément ne permettait de savoir si ce dernier avait été par la suite régulièrement désigné pour effectuer les différents actes d’instruction à son encontre alors qu’il était mineur lors de l’ouverture de l’information judiciaire le 2 mai 2022, lors de son arrestation et de son placement en garde à vue le 22 février 2023, tout comme lors de sa mise en examen.

Il en déduisait la nullité de sa garde à vue, de son interrogatoire de première comparution, de la confrontation, de la reconstitution et de tous les actes subséquents à la mise en examen ainsi que la cancellation des actes faisant référence à la garde à vue jusqu’à la mise en examen.

Ce grief a été écarté par la chambre criminelle (Crim. 2 décembre 2025, n°25-82.399, à paraître) qui a estimé qu’il n’était pas fondé dès lors que, si la personne mise en examen peut invoquer à tout moment l’incompétence du juge d’instruction en charge du dossier, elle ne peut, après l’échéance du délai de forclusion prévu à l’article 173-1 du code de procédure pénale, demander l’annulation des actes accomplis antérieurement par ce magistrat.

Selon la chambre criminelle, l’intérêt à agir du demandeur, s’agissant du moyen de nullité pris de l’incompétence du juge d’instruction saisi du dossier, faute pour celui-ci d’être spécialement désigné pour connaître des affaires concernant les mineurs, conformément à l’article L. 12-1 du code de la justice pénale des mineurs, n’est pas né du versement de l’ordonnance précitée du premier président, en réponse à sa demande tardive, mais de sa mise en examen le 24 février 2023, de sorte qu’il était forclos.

En revanche, elle a accueilli la seconde critique du pourvoi qui invoquait un autre excès de pouvoir commis par le président de la chambre de l’instruction pour avoir déclaré irrecevable, sur le fondement de l’article 173-1 du code de procédure pénale, la requête en annulation de l’avis de fin d’information rendu par un magistrat incompétent, laquelle avait pourtant été présentée dans le mois suivant cet avis dans le respect de l’article 175 du code de procédure pénale.

Le conseil du mis en examen avait en effet, conformément à l’article 175 du code de procédure pénale, par trois moyens de nullité soutenus dans sa requête en annulation déposée le 7 février 2025, soit dans le mois de l’envoi de l’avis de fin d’information du 9 janvier 2025, invoqué l’irrégularité dudit avis de fin d’information comme ayant été délivré par un juge d’instruction incompétent pour ne pas avoir été désigné à cet effet.

Au visa des articles 173 et 175 du code de procédure pénale, la chambre criminelle rappelle d’une part, que le président de la chambre de l’instruction, lorsqu’il est saisi par une partie d’une requête en annulation d’actes ou de pièces de la procédure, ne peut constater son irrecevabilité que dans l’un des cas limitativement énumérés audit article et d’autre part, que les parties détenues disposent, sauf circonstance insurmontable, d’un délai d’un mois à compter de l’envoi de l’avis de fin d’information pour présenter des observations, formuler des demandes ou présenter des requêtes.

Or, précisément, le moyen de nullité pris de l’absence de désignation régulière du juge substituant le juge en charge de l’information portait sur l’avis de fin d’information notifié à l’intéressé le 10 janvier 2025, de sorte que le demandeur n’était pas forclos le 7 février 2025 à agir en nullité de cet acte.

L’excès de pouvoir est ainsi caractérisé.

L’annulation de l’ordonnance attaquée est dès lors prononcée sur ce second moyen uniquement et la chambre criminelle constate en conséquence que la chambre de l’instruction, autrement présidée, se trouve saisie de la requête en nullité en ce qu’elle porte sur l’absence de désignation régulière du juge d’instruction ayant rendu l’avis de fin d’information.

Il lui appartiendra donc de statuer sur ce moyen de nullité.

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