Taxe d’enlèvement des ordures ménagères : un arrêt majeur du Conseil d’Etat qui balaie les incertitudes de la jurisprudence antérieure

Fabrice Sebagh
Etienne Aubry

Selon l’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, la collecte et le traitement des déchets ménagers relèvent de la compétence des communes, de la Métropole de Lyon ou des établissements publics de coopération intercommunale, éventuellement en liaison avec les départements et régions.

Afin de financer cette gestion des ordures ménagères, plusieurs possibilités leurs sont ouvertes : soit une prise en charge de ce service par les recettes budgétaires ordinaires, soit la mise en place d’une redevance pour service rendu pesant sur les seuls utilisateurs du service selon l’importance du service rendu (art. L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales), soit l’institution d’une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (« TEOM ») calculée d’après le revenu net servant de base à la taxe foncière, multiplié par un taux fixé par la collectivité territoriale (art. 1520 du code général des impôts).
Il s’agissait de l’option choisie par la Métropole de Lyon, demanderesse au pourvoi en cassation ayant donné lieu à la décision commentée (CE 22 octobre 2021, Req. n°434900).

Le Conseil d’Etat a, au fil de ses arrêts, encadré la détermination du taux de la TEOM.

Notamment, dans une décision « Société Auchan France » du 31 mars 2014, il a considéré que, n’ayant pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires de la collectivité, la TEOM doit être proportionnée et exclusivement dédiée aux dépenses exposées pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères pour lesquelles elle a été créée (req. n°s 368111, 368123 et 368124). Pour ce faire, seules les données telles qu’elles sont estimées à la date du vote de la délibération fixant ce taux peuvent être prises en compte.

Plus récemment, dans sa décision « Société Cora » du 19 mars 2018, le Conseil d’Etat a jugé que les dépenses à prendre en compte pour calculer le taux de la TEOM sont « constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe » (req. n° 402946).

Mais, dans la présente affaire, la Haute juridiction avait à trancher une question plus concrète : les dépenses réelles de fonctionnement exposées par l’administration générale de la collectivité pour le service de collecte et de traitement des déchets ménagers peuvent-elles être prises en compte dans le calcul du taux de la TEOM ?

Bien qu’admettant que cette prise en compte n’était pas dénuée de tout sens, la rapporteure publique avait conclu au rejet du pourvoi de la Métropole de Lyon en invitant le Conseil d’Etat à retenir que les dépenses de la collectivité prises en compte pour déterminer le montant de la TEOM ne devaient pas comprendre les dépenses indirectes de l’administration générale de la collectivité dédiées à la gestion des déchets ménagers.

Toutefois, dans une décision du 22 octobre dernier, publiée au Recueil, le Conseil d’Etat a considéré que « les dépenses en cause correspondent à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole » et que « cette quote-part a été calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l’administration générale de la métropole, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ».

Autrement dit, selon le fichage de la décision, « peuvent être incluses dans les dépenses de fonctionnement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers les dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité, calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l’administration générale de la collectivité, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du CGCT ».

Cette décision opportune devrait soulager les collectivités territoriales prenant en charge la gestion des ordures ménagères en ce qu’elles pourront inclure dans le calcul du taux de la TEOM qu’elles fixeront, une partie de leurs dépenses générales de fonctionnement affectées, en pratique, à l’enlèvement des ordures ménagères.

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