Le Conseil d’Etat a érigé en principe général du droit disciplinaire, l’interdiction pour le juge d’appel d’aggraver une sanction infligée sur le seul recours de la personne sanctionnée (Conseil d’Etat, Section, du 16 mars 1984, n°41438, publié au recueil Lebon). Ce principe de prohibition de la reformatio in pejus est également posé en matière pénale par l’article 515 alinéa 2 du code de procédure pénale.
Mais que signifie concrètement « aggravation de la peine » lorsque le juge d’appel module la sanction en aggravant un critère tout en en diminuant un autre ? En effet, si le juge administratif avait précisé que seul l’objet et la durée de la sanction, et non ses modalités d’exécution, pouvaient faire l’objet d’une interdiction d’aggravation (Conseil d’État, 4ème – 5ème chambres réunies, 1er février 2017, n°384483), il ne s’était pas encore prononcé sur la modulation des éléments constitutifs de la sanction.
Le Conseil d’Etat était saisi d’un pourvoi formé par un enseignant-chercheur qui avait été sanctionné d’une interdiction d’exercer pour des faits de plagiat et de contrefaçon au titre de l’article L. 952-8, 5° du code de l’éducation.
Cette disposition énumère précisément les quatre aspects de l’interdiction d’exercer :
- le champ des fonctions (enseignement et/ou recherche),
- la portée de la sanction (dans un ou tous les établissements publics d’enseignement),
- la durée (cinq ans au maximum),
- l’ampleur de la privation de la rémunération (moitié ou totalité du traitement).
En l’espèce, l’enseignant-chercheur avait été sanctionné par la section disciplinaire du conseil académique de son université à :
- l’interdiction d’exercice des fonctions de recherche ;
- dans l’intégralité des établissements publics d’enseignement ;
- pour une durée de cinq ans ;
- avec privation de la moitié du traitement
Ensuite, sur son seul appel, il avait été sanctionné par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) à :
- l’interdiction d’exercice des fonctions de recherche et d’enseignement ;
- dans l’intégralité des établissements publics d’enseignement ;
- pour une durée de trois ans ;
- avec privation totale du traitement
Le Conseil d’Etat a considéré dans son arrêt du 6 avril 2022 (n°438057), à l’instar du juge judiciaire (cf. Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Appel – Effets de l’appel – n° 164), que l’aggravation d’un seul des critères constitutifs de la sanction équivalait à son aggravation.
Le Conseil d’Etat aurait pu faire le choix d’une appréciation globale de la sanction, mais cette solution subjective et d’un maniement peu aisé, aurait été source d’insécurité juridique.
Il a donc entendu, au contraire, donner un nouveau « mode d’emploi » dont la clarté et la simplicité bénéficieront aussi bien aux organes et juridictions disciplinaires qu’aux justiciables.