Groupes de besoins dans les collèges et incompétence de l’auteur de l’arrêté : de la nécessaire distinction entre l’organisation des enseignements et la définition de leur contenu

Fabrice Sebagh

Annoncée au mois de décembre 2023 par le gouvernement, l’instauration de groupes de besoins au collège en français et en mathématiques pour les classes de 6e et de 5e a été mise en place à la rentrée du mois de septembre par le biais d’un arrêté du 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes du collège.

Plusieurs organisations ont contesté cette décision devant le Conseil d’Etat par des recours pour excès de pouvoir, formant diverses critiques à son encontre (CE 28 novembre 2024, Req. n°493513).

Plusieurs d’entre elles ont été écartées.

Au moyen qui soutenait que l’arrêté en cause était intervenu dans le domaine réservé à la loi par la Constitution (article 34), le Conseil d’Etat a répondu que la décision ne relevait pas des principes fondamentaux de la mise en œuvre du droit à l’instruction.

Au moyen qui soutenait que l’arrêté critiqué devait être regardé comme créant des filières d’enseignement différenciées en méconnaissance de l’article 332-3 du Code de l’éducation, le Conseil d’Etat a répondu, en substance, qu’il n’était pas prévu que les élèves soient cantonnés toute l’année dans le même groupe de besoins, groupe qu’ils n’allaient fréquenter de surcroît qu’un tiers du temps scolaire.

Au vu des latitudes laissées aux établissements pour organiser lesdits groupes de besoin, le Conseil d’Etat a également écarté le moyen tiré de l’atteinte à l’autonomie éducative et pédagogique des établissements et à leurs règles d’organisation.

En revanche, le Conseil d’Etat saisi d’un moyen critiquant l’usage par le Ministre de l’Education nationale d’un arrêté pour définir les modalités d’organisation de l’enseignement dans les collèges, a jugé que celles-ci devaient être déterminées par le Premier Ministre au moyen d’un décret, « le ministre chargé de l’éducation n’ayant compétence pour définir par arrêté que le contenu des formations, c’est-à-dire les matières, horaires et programmes des enseignements ».

Or en l’espèce, l’arrêté litigieux ne modifiait ni les matières, ni les volumes horaires ni les programmes des enseignements de français et de mathématiques. Il ne s’agissait donc nullement de définir le contenu de ces enseignements, mais bien de les organiser.

Il en résulte que les dispositions de l’article 4 de l’arrêté attaqué ont été regardées comme entachées d’incompétence.

Toutefois, afin de ne pas bouleverser l’organisation des collèges en cours d’année scolaire, le Conseil d’Etat a reporté dans le temps les effets de cette annulation. La décision rendue ne prendra ainsi effet qu’à la rentrée prochaine et la mise en œuvre des « groupes de besoins » dans les collèges reste en vigueur pour l’année scolaire 2024-2025.

Entre temps, si le Gouvernement à venir souhaite reconduire cette décision, il appartiendra au Premier ministre de prendre un décret en ce sens.

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