Opérant un revirement de jurisprudence (Civ., 2ème 13 juin 2024, n° 22-91.381 – décision ci-dessous), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation décide désormais que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles, qui comporte des informations sur le diagnostic de la maladie concernant la victime, venues à la connaissance des professionnels de santé, est une pièce médicale couverte comme telle par le secret médical qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. A ce titre, elle n’a pas à être communiquée à l’employeur.
Il en résulte que ce dernier ne peut plus se prévaloir du non-respect du principe du contradictoire en faisant état de ce que ce document ne figure pas dans les pièces du dossier constitué par la caisse, pour obtenir l’inopposabilité de sa décision de reconnaissance de maladie professionnelle.
Dans cette affaire, la caisse primaire d’assurance maladie, avait reçu d’un employé en qualité de menuisier boiseur au sein d’une société construction, une déclaration de maladie professionnelle établie sur la base d’un certificat médical initial faisant état d’une « surdité bilatérale dans les aigües ».
La caisse avait diligenté une enquête administrative, puis informé la société de la nécessité de soumettre le dossier à l’avis des experts du le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), au motif que la condition du tableau tenant au délai de prise en charge n’était pas remplie et lui avait indiqué la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.
L’employeur avait usé de cette faculté.
La caisse avait ensuite saisi pour avis un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui avait retenu un lien direct entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle du salarié. Elle avait en dernier lieu notifié à l’employeur sa décision de prise en charge de la maladie du salarié « Hypoacousie de perception » du tableau n°42 des maladies professionnelles au titre de la législation sur les risques professionnels.
Un contentieux avait été initié par la société qui contestait le caractère contradictoire de la procédure, aux motifs que le seul constat de la carence dans les pièces tenues à disposition de l’employeur de l’audiogramme nécessaire à la réunion des conditions du tableau n° 42 rendait inopposable à celui-ci, la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle.
Faisant application du droit positif au terme duquel la décision prise en charge de la maladie professionnelle est inopposable à l’employeur « par le seul constat de la carence de cet élément nécessaire à la réunion des conditions du tableau n° 42 qui comme tel échappe au secret médical » « peu important que l’employeur n’ait pas exercé son droit de consultation » (Civ. 2ème, 11 octobre 2018, n° 17-18901 ; déjà dans ce sens, Civ. 2ème, 10 décembre 2013, n° 12-24271), les juges de première instance et d’appel avaient fait droit à la demande d’inopposabilité de la décision de la caisse à l’égard de l’employeur.
La caisse avait dès lors formé un pourvoi dont la finalité était précisément d’obtenir un revirement de jurisprudence sur cette question.
Elle ne manquait pas d’arguments qui n’ont d’ailleurs pas laissé la Cour de cassation indifférente.
1°) D’abord, elle indiquait que cette jurisprudence n’était pas justifiée au regard des dispositions des articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale qui, dans leur version issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au présent litige, imposent le respect du principe du contradictoire dans la procédure de reconnaissance par la caisse primaire du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie.
En effet, la Cour de cassation saisie pour avis, avait précisé les contours de cette obligation d’information en indiquant « qu’en application des dispositions spécifiques des articles R. 441-11 et suivants, le respect du principe de la contradiction, dans la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie, est satisfait par le seul envoi à l’employeur par la caisse primaire d’assurance maladie d’une lettre l’informant de la fin de la procédure d’instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision » (Cass. Avis, 20 septembre 2010, Bull., 2010, avis, n° 5, n°10-00.005 ; déjà dans ce sens, Civ. 2ème, 8 janvier 2009, Bull., 2009, II, n° 7, n° 07-21420 ; voir également Civ. 2ème, 4 avril 2018, n° 17-14.176).
Ensuite, selon l’article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants-droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13 du même code.
Le principe du contradictoire est donc satisfait par l’information de l’employeur selon laquelle il peut faire valoir ses observations avant la prise de décision de la caisse et au vu des éléments de nature à lui faire grief et communiqués par cette dernière (Civ. 2ème, 27 janvier 2022, n° 20-14546).
Or concrètement, les éléments devant figurer dans le dossier mis à la disposition de l’employeur sont énumérés à l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale qui fait notamment référence aux divers certificats médicaux détenus par la caisse. Et, selon la Cour de cassation, le dossier n’a pas à comporter d’autres pièces médicales, couvertes au surplus par le secret médical, telles que les certificats médicaux éventuellement détenus par la caisse (Civ. 2ème, 15 mars 2018, Bull., 2018, II, n° 56, n° 16-28.333).
Pour cette raison déjà il était soutenu que l’audiogramme obtenu lors des audiométries réalisées aux fins de déterminer les pathologies auditives décrites dans le tableau n° 42 des maladies professionnelles et concernant la surdité provoquée par les bruits lésionnels, n’avait pas à figurer dans le dossier constitué par la caisse, même s’il revêt une condition de fond de la reconnaissance de la maladie professionnelle désignée par le tableau n° 42 des maladies professionnelles (Civ. 2ème, 28 novembre 2019, n° 18-18209).
En réalité, les certificats médicaux détenus par la caisse desquels il ressort que suivant l’audiogramme pratiqué dans les conditions requises par le tableau n° 42 des maladies professionnelles, le salarié est effectivement atteint d’une hypoacousie, et/ou également le colloque médico-administratif faisant ressortir des résultats similaires, suffisent à informer l’employeur sur le caractère professionnel de la maladie décrite dans ledit tableau.
L’employeur ne peut dans ces conditions prétendre ne pas être mesure de vérifier si les conditions du tableau – nécessaires à la reconnaissance de la maladie en cause – sont bien réunies, faute de communication de l’audiogramme. Il lui suffit en effet de savoir que l’examen a bien été pratiqué.
Admettre une solution inverse revenait finalement à confondre l’action en contestation de la qualification du risque qui peut justifier une expertise médicale technique et l’action en inopposabilité de la décision de reconnaissance, même si ces deux actions tendent aux mêmes fins.
2°) Surtout, et c’est un élément essentiel de l’arrêt commenté, une telle solution est contraire au secret médical.
Or, l’obligation d’information de la caisse trouve ses limites lorsque le secret médical est susceptible d’être violé.
La Cour de cassation s’était d’ailleurs prononcée dans ce sens, soulignant que la caisse n’avait aucune obligation de communiquer à l’employeur les pièces médicales éventuellement détenues par le médecin-conseil (Civ. 2ème, 15 septembre 2016, n° 15-24130).
Dans cette ligne, elle avait jugé que « la teneur des examens médicaux mentionnés au tableau n° 30 des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, et dont l’employeur peut demander la communication » (Civ. 2ème, 9 avril 2009, n° 07-21112 ; dans le même sens, Civ. 2ème, 8 janvier 2009, n° 07-21038).
De même, la teneur de l’examen tomodensitométrique mentionné au tableau n°30 B des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n’a pas davantage à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse (Civ. 2ème , 17 janvier 2008, Bull., 2008, II, n° 11, n° 07-13356 ; dans le même sens, Civ. 2ème , 17 décembre 2009, Bull., 2009, II, n° 291, n° 08-20.915 ; Civ. 2ème, 9 mars 2017, n°16-12.277), pas plus que l’IRM mentionné au tableau n° 57 A des maladies professionnelles qui constitue un élément de diagnostic qui ne peut être examiné que dans le cadre d’une expertise (Civ. 2ème, 22 octobre 2020, n° 19-21915 ; dans le même sens, Civ. 2ème ,12 novembre 2020, n°19-21048 ; Civ. 2ème, 28 mai 2020, n°19-15174 ; (Civ. 2ème, 8 octobre 2020, n°19-18799).
Il était donc demandé à la Cour de cassation de réserver un sort identique à l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles dans la mesure où les contenus des audiométries, tonale liminaire et vocale, mentionnées au tableau n° 42 des maladies professionnelle constituent des éléments du diagnostic de l’hypoacousie qui ont pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l’employeur peut demander la communication. La Cour de cassation l’avait d’ailleurs clairement énoncé en considérant « qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’autorise le service du contrôle médical à communiquer à l’employeur ou au médecin désigné par celui-ci les autres pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil, en l’espèce l’audiogramme » (Civ. 2ème, 18 mai 2014, n° 13-16519).
Cette demande de revirement a trouvé un écho favorable.
Opérant, comme elle l’indique elle-même, un conciliation entre le droit de la victime au respect de ses données médicales et la mise en œuvre au bénéfice de l’employeur du principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction par la caisse d’une demande de prise en charge de la maladie prévue par le tableau n° 42 des maladies professionnelles, la Cour de cassation relève d’une part, que sa jurisprudence soulève des difficultés au regard des obligations déontologiques auxquelles sont soumis les professionnels de santé, que l’audiogramme qui comporte des informations sur le diagnostic de la maladie, venues à la connaissance des professionnels de santé est une pièce médicale couverte par la secret, dont aucune disposition législative n’autorise la levée.
D’autre part, elle précise que l’employeur a la possibilité, contestant le caractère professionnel de la maladie, de solliciter du juge une désignation d’un expert à qui seront remises les pièces couvertes par le secret médical.
En dernier lieu, sur le plan de la technique de cassation , on relèvera que ce revirement a pour effet d’emporter l’annulation, et non préalablement la cassation, de l’arrêt attaqué qui avait fondé la déclaration d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie sur l’absence de communication de cet élément à l’employeur puisque l’arrêt attaqué avait fait application de la jurisprudence alors applicable.
Le revirement étant d’application immédiate, c’est bien une annulation de l’arrêt qui est encourue et l’affaire est d’ailleurs renvoyée devant la même cour d’appel autrement composée.
La caisse primaire d’assurance maladie, a formé le pourvoi N°22-19.381 contre l’arrêt rendu le 23 mai 2022 par la cour d’appel, dans le litige l’opposant à la société E, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société E, et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
- Selon l’arrêt attaqué (23 mai 2022), la caisse primaire d’assurance maladie (la caisse) ayant, après enquête et par décision du 29 novembre 2018, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l’un de ses salariés (la victime), la société E (l’employeur) a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
- La caisse fait grief à l’arrêt de déclarer la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, alors « que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelle, qui constitue un élément du diagnostic de l’hypoacousie, n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l’employeur peut demander la communication ; qu’en énonçant, pour déclarer inopposable à la société E la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de la victime du 29 novembre 2018, que le seul constat de la carence dans les pièces tenues à disposition de l’employeur de l’audiogramme nécessaire à la réunion des conditions du tableau n° 42 rendait inopposable à celui-ci la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle, tout en constatant que l’audiogramme constituait un examen médical de diagnostic, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l’audiogramme constituant un élément du diagnostic de la maladie professionnelle désignée au tableau n °42, n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse, violant ainsi les articles L. 461-1, R.441-13 du code de la sécurité sociale, et le tableau n °42 des maladies professionnelles.»
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1110-4 du code de la santé publique, L. 315-1, V, et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige et le tableau n 42 des maladies professionnelles.
- La deuxième chambre civile est saisie d’un pourvoi posant la question de la conciliation entre le droit de la victime au respect du secret de ses données médicales et la mise en œuvre, au bénéfice de l’employeur, du principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction au terme de laquelle la caisse primaire d’assurance maladie se prononce sur le caractère professionnel de la maladie prévue au tableau n ° 42 des maladies professionnelles.
- Aux termes du premier de ces textes, toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins, a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance des professionnels intervenant dans le système de santé.
- Aux termes du deuxième de ces textes, les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission, dans le respect du secret médical.
- Aux termes du troisième de ces textes, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
- Le dernier de ces textes prévoit que le diagnostic de l’hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes, est établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes, réalisée après une cessation d’exposition au bruit lésionnel d’au moins 3 jours et devant faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d’au moins 35 dB.
- En application du cinquième, lorsqu’avant de prendre sa décision, elle a envoyé un questionnaire sur les circonstances ou la cause de la maladie ou procédé à une enquête, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
- Selon le quatrième de ces textes, le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre la déclaration de maladie professionnelle, les divers certificats médicaux détenus par la caisse, les constats faits par la caisse primaire, les informations parvenues à la caisse de chacune des parties et les éléments communiqués par la caisse régionale.
- La Cour de cassation juge de manière constante que lors de l’instruction d’une demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’affection désignée par le tableau n 42, le dossier constitué par les services administratifs de la caisse primaire d’assurance maladie en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale doit, à peine d’inopposabilité de la décision de prise en charge, comprendre les audiogrammes obtenus lors des audiométries qui doivent être réalisées dans les conditions et délais fixés par ce tableau (notamment Soc.,19 octobre 1995, pourvoi n 93-12.329 ; 2 Civ. 11 octobre 2018, pourvoi n 17-18.901).
- Cependant, la mise en oeuvre de cette jurisprudence soulève des difficultés au regard des obligations déontologiques auxquelles sont soumis les professionnels de santé.
- En outre, la Cour de cassation juge que la teneur de l’examen tomodensitométrique mentionné au tableau n 30 B des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l’employeur peut demander la communication(2e Civ., 17 janvier 2008, pourvoi n 07-13.356, publié). Elle adopte la même interprétation, s’agissant de la teneur de l’examen d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) mentionné au tableau n 57 A des maladies professionnelles (2e Civ., 29 mai 2019, pourvoi n 18-14.811, publié).
- Il convient, dès lors, de reconsidérer cette jurisprudence.
- En effet, l’audiogramme, qui comporte des informations sur le diagnostic de la maladie concernant la victime, venues à la connaissance des professionnels de santé, est une pièce médicale, couverte comme telle par le secret.
- En outre, si l’article L. 461-5 du code de la sécurité sociale prévoit la transmission aux services administratifs de la caisse primaire d’assurance maladie du certificat médical initial indiquant la nature de la maladie, il n’autorise pas, en revanche, la détention de l’audiogramme par lesdits services ni sa communication à l’employeur par le praticien-conseil au cours de la procédure d’instruction. Aucune autre disposition législative n’autorise la levée du secret médical.
- Par ailleurs, ni l’accord de la victime ni son absence d’opposition à la levée du secret médical ne peuvent résulter de la simple demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
- Enfin, l’équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire dès le stade de l’instruction de la déclaration de la maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie est préservé par la possibilité pour l’employeur contestant le caractère professionnel de la maladie de solliciter du juge la désignation d’un expert à qui seront remises les pièces composant le dossier médical de la victime (CEDH, décision du 27 mars 2012, Eternit c. France, n 20041/10).
- A cette même fin de conciliation de ces droits, la loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 a organisé, dès le stade de la saisine de la commission médicale de recours amiable, compétente pour connaître des contestations de nature médicale postérieures au 1 janvier 2019, les modalités de transmission par le praticien-conseil du service du contrôle médical de l’intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision, sans que puisse être opposé l’article 226-13 du code pénal.
- L’ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que l’audiogramme mentionné au tableau n 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R.441-13 du code de la sécurité sociale.